6 février 2025 - 08:00
entrevue
Le ministre Lamontagne répond à nos questions
Par: Yves Rivard

Très occupé par de nombreux dossiers, le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), André Lamontagne, a pris le temps de se prêter à cette entrevue visant à donner un aperçu des dossiers importants qui feront l’année 2025.

GTA : Débutons par un dossier très important : où en est-on exactement avec le projet de loi 86?

André Lamontagne : Vous avez raison de souligner l’importance de ce projet de loi qui vise à mieux protéger le territoire agricole et sa vitalité. L’objectif est et demeure d’obtenir un engagement renouvelé en 2025 de la société de protéger le territoire agricole.

Depuis le lancement du projet de loi en juin 2023, lors de la grande Consultation nationale sur le territoire et les activités agricoles, le processus a été long. J’ai déposé le projet de loi le 5 décembre dernier, et le 29 janvier, les consultations particulières débuteront. Seize groupes viendront déposer leurs mémoires et faire part de leurs commentaires et recommandations. Viendra ensuite l’étude du projet de loi, article par article, quelque part en février et mars. L’objectif est d’arriver avec une sanction du projet d’ici la fin mars.

Il faut comprendre que le projet de loi est basé sur les résultats de la grande consultation nationale. Ainsi, 160 mémoires ont été reçus, plus de 600 personnes ont été consultées, des webinaires ont été tenus et des centaines de courriels ont été reçus. En mai 2024, j’ai tenu une grande journée de consultation à Drummondville, qui a été l’occasion de fixer les grandes lignes directrices.

GTA : Ce projet répond à des défis majeurs. L’accès à la terre, élément fondamental de la profession, est devenu un obstacle majeur pour plusieurs, notamment la relève. Avec des mesures concrètes, telles qu’un registre de transaction foncière, des protections visant à contrer la spéculation et une taxe sur les terres en friche, la Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ) bénéficiera-t-elle enfin des moyens suffisants pour lutter contre la spéculation foncière et la hausse du prix des terres?

A.L. : On recherche avant tout une meilleure protection, même s’il est connu qu’au Québec, cette protection est très bonne. Pour freiner la perte des terres agricoles, il convient de se donner des outils pour serrer davantage la vis là où l’on sent une pression. Une façon d’accroître la protection est d’adopter des mesures antispéculatives.

Le projet de loi permet de prendre note et de suivre les transactions. Il prévoit également un contrôle contre les transactions de terres agricoles de fonds d’investissement non agricoles à proximité de centres urbains. Ce projet devrait avoir un effet sur l’accessibilité à la terre, et donc de revoir la pression à la baisse.

GTA : On comprend que la notion même que des fonds d’investissement puissent acquérir des terres agricoles irrite une très grande majorité des intervenants dans le dossier. Devant cette levée de boucliers, le projet de loi sera-t-il revu en ce sens?

A.L. : Tous les groupes qui viendront s’exprimer pourront émettre des recommandations en ce sens. Si cela s’avère pertinent, en fonction des objectifs du projet de loi, celui-ci demeure perfectible.

GTA : Mais cette irritation n’a-t-elle pas déjà été exprimée lors de la consultation nationale et n’est-elle pas inhérente au contenu sur lequel est érigé le projet de loi?

A.L. : Le projet de loi vise à permettre la levée d’un drapeau rouge lorsqu’un fonds d’investissement ou une personne morale non lié à des activités agricoles cherche à acquérir une terre. La CPTAQ pourra alors enquêter.

Gestion de l’offre

GTA : Le dossier de la gestion de l’offre est certainement un sujet de première importance. Quel est votre avis au sujet du changement de paradigme opéré par l’administration Trump?

A.L. : Beaucoup de choses se disent dans l’espace public. Le Québec fait appel à son réseau de contacts américains, question de faire valoir l’importance de l’effet dévastateur que pourraient avoir des changements abrupts. La réponse s’organise : le premier ministre Legault a créé le comité Québec-USA, sur lequel je siège, et le gouvernement a haussé considérablement le personnel économique de nos délégations aux États-Unis. Un travail incessant s’effectue avec les représentants de Washington et de New York, pour qu’ils nous appuient dans cette démarche.

GTA : Si le pétrole de l’Alberta n’a pas réussi à fléchir les États-Unis au sujet des menaces de tarifs douaniers, quelles sont les chances réelles du Québec en majorant de 25 % le prix du sirop d’érable à destination des États-Unis?

A.L. : Il s’agit là d’un des moyens d’une réponse coordonnée. Plusieurs rencontres des premiers ministres provinciaux ont été tenues au sujet des échanges commerciaux. Mme Smith, de l’Alberta, représente certainement une partie de ces échanges commerciaux et elle a fait valoir son point. Mais tout devrait se jouer lors d’une réponse coordonnée. La réplique canadienne est en train de s’arrimer. Le Québec n’a pas que le sirop d’érable. L’aluminium et les matériaux de boutique sont aussi des exportations importantes.

La suite des choses

GTA : Quels sont les autres dossiers qui sont présentement sur votre table de travail et qui occuperont 2025?

A.L. : Certainement le renouvellement de la Politique bioalimentaire 2018-2025. En janvier 2024, j’ai lancé les travaux pour arriver à une nouvelle politique. Plusieurs rencontres ont encore eu lieu en novembre et décembre derniers. Une grande journée est prévue pour le 21 février, date à laquelle les grandes lignes seront établies. La présentation officielle de la nouvelle politique 2025-2035 est prévue pour le mois de mai.

GTA : GTA a 50 ans cette année. Quelques mots sur ce partenaire du MAPAQ dans la diffusion de contenus et de nouvelles visant les acteurs de l’agricole et de l’agroalimentaire local?

A.L. : Je salue les médias et les individus qui s’impliquent et diffusent l’information nécessaire pour comprendre la réalité du monde agricole. Cinquante années à soutenir le secteur mérite un grand « bravo » et un grand « merci ». Votre travail est nécessaire.

Notes biographiques
– Né à Saint-Félicien en 1960
– Élu une première fois en 2014, il a été réélu député de la circonscription de Johnson aux élections générales du 3 octobre 2022 pour un troisième mandat
Fonctions actuelles
– Ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation depuis octobre 2018
– Ministre responsable de la région du Centre-du-Québec depuis octobre 2018
– Président du Comité ministériel de l’économie et de l’environnement depuis le 20 octobre 2022
– Vice-président du Conseil du trésor depuis le 20 octobre 2022

 

image