12 juin 2025 - 03:00
IRDA
Étudier l’impact à long terme des prairies sur le rendement et la santé des sols grâce aux parcelles « longue durée »
Par : Journal GTA
Photo : IRDA

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Les effets réels de certaines pratiques agricoles sur l’état des sols ou des cultures ne se manifestent parfois qu’après de nombreuses années. C’est notamment le cas de l’évolution de la matière organique, de l’accumulation de contaminants d’intérêt émergent ou encore de la baisse progressive du potentiel de rendement ou de fourniture en azote du sol. Pour bien comprendre ces dynamiques, il est essentiel de s’appuyer sur des dispositifs expérimentaux conçus pour durer, capables de traverser les décennies.

Lors de sa fondation en 1998, l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA) a bénéficié de l’héritage de parcelles expérimentales dites de « longue durée » mises en place par le MAPAQ, dont certaines des décennies auparavant. Dans certains cas, les suivis s’étendent aujourd’hui sur près de 50 ans. Depuis, des parcelles ont vu le jour pour documenter davantage d’enjeux agroenvironnementaux, tels que la compaction des sols, l’effet des matières résiduelles fertilisantes (MRF) ou les impacts hydrologiques de différents systèmes culturaux.

Ces parcelles constituent un patrimoine scientifique rare et précieux, d’autant plus qu’il en existe très peu de ce type au Québec, voire même au Canada et en Amérique du Nord Leur caractère unique leur confère une valeur inestimable pour la recherche agroenvironnementale. Ensemble, ces dispositifs forment un socle de connaissances essentiel pour appuyer le développement d’une agriculture durable.

L’un de ces dispositifs longue durée permet d’évaluer, à l’intérieur de 54 parcelles situées à la ferme expérimentale de l’IRDA à Saint-Lambert-de-Lauzon, l’effet de l’inclusion récurrente (deux années sur une rotation de quatre ans) de prairies, ainsi que l’utilisation d’engrais organiques (fumier de bovin), en comparaison d’une rotation reposant sur la seule fertilisation minérale depuis plus de 30 ans.

La plus récente évaluation de fin de rotation dans la culture du maïs-grain a révélé pour la rotation incluant deux années de prairies avec apport de fumier un rendement de 8,1 t ha-1 et ce, malgré un été difficile sur le plan météorologique, où le rendement moyen de référence en Chaudière-Appalaches atteignait 7,4 t ha-1. En comparaison, les parcelles dont la rotation n’a jamais inclus de prairies ni reçu d’engrais organique n’ont produit que 3,1 t/ha et ce, malgré l’apport aux doses recommandées de NPK en engrais minéraux.

Documenter et comprendre

Mylène Marchand-Roy et Julie Mainguy, professionnelles de recherche de l’équipe en fertilité des sols et nutrition des cultures, ont mené les travaux visant à comprendre les mécanismes expliquant ces écarts, sous la direction de la chercheure Christine Landry. Grâce à une méthode de caractérisation simple basée sur la méthode Haney, elles ont observé que les parcelles ayant intégré des prairies présentaient trois fois plus d’azote disponible dans le sol que les parcelles ayant reçu uniquement de l’engrais minéral depuis 30 ans. Même les parcelles avec engrais organiques, mais sans prairies, affichaient plus de deux fois moins d’azote disponible dans le sol que celles avec prairies.

L’analyse a également révélé que les sols présentant une cote de santé plus faible sont davantage dépendants des apports en engrais pour maintenir leur productivité, tandis que ceux dont la santé est meilleure ont un potentiel de rendement plus élevé. Cette cote de santé a été influencée en premier lieu par l’ajout de prairies dans la rotation, et dans une moindre mesure par l’utilisation d’engrais organiques. À l’inverse, l’usage exclusif d’engrais minéraux depuis plusieurs décennies ne permet pas d’améliorer l’état de santé des sols.

Ce dispositif illustre avec force l’importance de documenter les effets à long terme des pratiques agricoles pour éclairer les choix qui soutiendront une agriculture plus résiliente et durable.

Par Christine Landry, chercheure en fertilité des sols et nutrition des cultures
Par Vincent Pelletier, directeur adjoint R et D

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