Comme chaque dossier de relève agricole constitue un cas unique, le journal a cru pertinent de sonder l’opinion de quelques-unes de ces personnes qui, au quotidien, découvrent les vertus de la patience, de la gestion appliquée et du transfert de savoir. Voici quatre témoignages susceptibles de donner un certain aperçu de comment se vit le processus.
Gabriel Leclair
Fermes Leclair (Sherrington)
Représentant de la troisième génération d’agriculteurs à l’œuvre au sein des fermes Leclair, Gabriel Leclair est particulièrement actif dans le développement de pratiques d’agriculture durable et au sein d’associations telles que l’UPA, la FRAQ et l’APMQ. L’entreprise familiale cultive actuellement 900 acres de productions maraîchères sur sol organique : carottes, radis, betteraves, coriandre et autres.
« Actuellement, la ferme est dirigée par mon oncle et ma tante. J’incarne la relève, plus particulièrement depuis la fin de ma formation collégiale, et j’ai davantage de responsabilités administratives depuis 2022 », précise M. Leclair. Selon lui, aucune date officielle ou officieuse n’a été annoncée pour la reprise de la ferme. « Je crois que tout se déroulera lorsque tout le monde sera prêt, lorsque ce sera le bon moment pour ceux qui quitteront et pour ceux qui prendront le relais. »
« Nous avons eu recours à des séances de conseils, de coaching, au moment où j’ai accédé au niveau administratif, et à des discussions avec notre comptable, mais pour l’heure, nous n’avons pas tenu de rencontres avec un fiscaliste ou un expert du transfert d’entreprise agricole. Cela viendra probablement, car il s’agit d’une grande entreprise ayant une grande valeur d’actifs, ce qui ne se transfère pas de manière simple et rapide. Le contexte actuel représente certainement un léger frein au processus de relève, car nous exportons beaucoup aux États-Unis, mais les gens continueront de manger. Je ne suis pas inquiet pour les entreprises maraîchères », relativise Gabriel Leclair.
Carianne Lemire
Transplant CL et Les Maraîchers L&L (Saint-Michel)
Détentrice d’une formation en comptabilité ainsi qu’en horticulture et gestion des espaces verts, Mme Lemire constitue une expertise diversifiée pour Transplant CL, entreprise familiale au sein de laquelle elle incarne la relève. Pour l’heure, tout se déroule bien. « Je suis actionnaire depuis maintenant quatre ans, mais active au sein de l’entreprise depuis plus de sept ans, confie-t-elle. À ce jour, le processus se déroule sans aide professionnelle externe. Bien sûr, nous avons rencontré les experts du MAPAQ et de la Financière agricole pour discuter de prêts et de subventions, mais pour le reste, tout suit son cours. Il faut bien noter que ma mère avait pris soin de suivre plusieurs formations sur le sujet des transferts intergénérationnels avant que débute le processus de relève. »
Cela dit, Carianne Lemire dit retirer beaucoup des échanges générés par les rencontres organisées par la FRAQ et autres associations régionales dédiées à l’entrepreneuriat. « Les discussions sont productives, on y apprend beaucoup de choses et on y partage plusieurs idées. Je recommande certainement à toutes et à tous de prendre part à de tels événements de réseautage et d’avoir recours aux experts pour obtenir des subventions qui peuvent faire la différence. Il ne faut pas avoir peur de la paperasse », révèle-t-elle.
Puisque ses parents sont encore relativement jeunes, Carianne Lemire bénéficie du facteur temps, d’un apprentissage quotidien permettant d’assimiler l’ensemble des méthodes et pratiques d’affaires pour assurer la relève et, un jour peut-être, amener l’entreprise vers de nouveaux sommets.
Audrey Belval
Ferme Belval (Sainte-Hélène-de-Bagot)
Fondée en 1956 par Armand Belval, la ferme laitière Belval, qui compte 140 têtes en plus de 312 hectares de maïs-grain, de maïs ensilage et de soya, est actuellement dirigée par Gabrielle Lacharité et Jean-Claude et Stéphane Belval. Mais la relève, qui incarnera la quatrième génération, est en processus d’apprentissage.
Audrey Belval, diplômée du programme GTEA de l’ITAQ en 2022, se prépare, lentement mais sûrement, à prendre les rênes de l’entreprise aux côtés de sa sœur Laurie (diplômée du programme TPA de l’ITAQ) et de son frère Michaël. « Mon père, Stéphane, qui détenait 60 % des parts de l’entreprise, m’a accordé 20 % de ses parts tout comme à ma sœur, il y a quatre ans. Nous sommes donc déjà actionnaires et admissibles, depuis la fin de nos études, à des subventions relatives au quota et à l’investissement dans la ferme. À moyen terme, notre frère devrait se joindre à nous », confie Mme Belval.
Le partage des tâches semble clair et défini. « Si Laurie et moi gérons davantage le volet laitier, Michaël, lui, sera davantage impliqué au niveau des opérations mécaniques et de la gestion des champs. Nous avons récemment obtenu une subvention pour effectuer des rénovations de l’étable; les travaux débuteront dans quelques jours. Nous sommes actives et entendons continuer de l’être », prend bien soin de noter Audrey Belval. Un dynamisme et une vision d’affaires qui ont déjà été salués par des titres honorifiques, notamment en matière de bien-être animal.
Christine Schmucki
Ferme Schmucki (Princeville)
Christine Schmucki se prépare chaque jour à prendre la relève de la ferme familiale fondée en 1980, qui gère un quota de production de 270 kg par jour avec ses 300 vaches en lactation et son troupeau de relève de 500 têtes.
Après avoir complété un DEP au Cégep de Victoriaville en Gestion et technologies d’entreprise agricole et un baccalauréat en agronomie de l’Université Laval, elle se dédie à la ferme à temps plein depuis cinq ans. En compagnie de ses deux frères, elle assurera un jour la pérennité des activités de l’entreprise pour l’heure détenue par ses parents et un oncle, en plus des grands-parents qui sont toujours très actifs sur la ferme.
« Nous sommes présentement en mode coexploitation sur bien des aspects de l’entreprise, explique Mme Schmucki. De temps à autre, la famille consulte des ressources externes, un fiscaliste, un comptable, un conseiller financier, mais à ce jour, pas de spécialiste du transfert d’entreprise familiale. Personnellement, j’aimerais bien que ce soit le cas. Pour l’instant, nous avons instauré des rencontres mensuelles visant aux discussions et à l’avancement du transfert. »
Puisque le projet de relève inclut trois personnes, les rôles à assumer sont-ils déjà définis? « Dans l’ensemble, oui, bien qu’il reste de petits détails à clarifier. Nous avons chacun nos forces et l’entreprise est assez grande pour que chaque personne gère son secteur d’activités. Mes frères sont davantage orientés vers la mécanique, l’entretien et l’opération de machinerie, alors que je penche davantage du côté de la gestion et de la régie de troupeau », conclut-elle.