GTA : Le plus récent congrès de la FRAQ vient tout juste de se tenir à Carleton-sur-Mer. Qu’en est-il sorti, en bref?
David Beauvais : L’accès aux terres et leur propriété, tout ce qui entoure le projet de loi no 86, loi visant à assurer la pérennité du territoire agricole et sa vitalité, ont été au cœur des discussions. Des résolutions ont été apportées par les délégués de différentes régions afin de limiter, par voie de règlement, le nombre d’hectares que peut posséder un même propriétaire ou promoteur.
Le dossier du reboisement des terres agricoles en friche a également été discuté par les membres. La disponibilité de subventions pouvant être données à des personnes qui plantent rapidement quelques arbres et empochent les sommes a été dénoncée par plusieurs. Il a aussi été proposé de trouver des moyens pour demander la bonification de plusieurs programmes, vu le contexte économique actuel.
GTA : Où en est exactement la FRAQ dans le processus d’amendements apportés à la loi 86?
D.B. : Depuis l’annonce du grand chantier relatif à ce projet, la FRAQ a été proactive. L’accès à la terre est l’un des plus grands défis auxquels est confrontée la relève agricole. Ce projet de loi représente un pas décisif pour lutter contre la spéculation foncière et garantir que les terres agricoles restent entre les mains de ceux qui souhaitent les cultiver.
C’est pourquoi, en collaboration avec ses différents partenaires, dont l’UPA, la FRAQ a déposé un mémoire et assisté aux tables rondes et consultations avec le MAPAQ. Nous avons été consultés et entendus.
Si tout cela a un impact certain sur le présent des agriculteurs, il en a également un pour ceux du futur. Sans les bons amendements, quelle sera la situation dans 30 ou 50 ans pour la relève? Les terres appartiendront-elles à deux ou trois grands propriétaires? À quoi ressemblera la possibilité d’accéder à la terre? Il faut y penser maintenant. Il faut repenser le modèle qui veut que chaque génération doive racheter une terre qui a pris de la valeur, mais qui ne génère pas plus de revenus…
GTA : L’année 2025 pourrait donc être l’année charnière pour ce dossier?
D.B. : Tout se fera par règlements. Donc, 2025 et les prochaines années seront décisives pour le futur de l’agriculture et de sa relève. Mais on sent l’ouverture, la possibilité de surveiller les transactions, de savoir qui possède les terres et le nombre détenu par chaque propriétaire.
GTA : Le ministre Lamontagne parlait de la possibilité de lever un drapeau rouge lorsqu’une terre devient disponible et de veiller sur le type d’acheteurs potentiels.
D.B. : Oui. Certains producteurs agricoles croient, à tort, que cette loi vise à les empêcher d’acquérir des terres. Il faut rectifier la situation. Le projet de loi vise à contrer les spéculateurs, ceux qui veulent acquérir des terres dans le seul but de les voir prendre de la valeur et de les revendre à profit. Le producteur qui désire acquérir une terre, la cultiver et en vivre sera toujours en mesure de le faire sans problème.
Identifier les freins à la formation
GTA : Quelques mots sur le Laboratoire vivant en reconnaissance des acquis et des compétences (RAC) agricoles?
D.B. : La RAC permet d’évaluer et de faire reconnaître des compétences développées sur le terrain sans avoir à retourner sur les bancs d’école. Cette démarche permet d’obtenir officiellement un diplôme délivré par le ministère de l’Éducation. Cela dit, la FRAQ a constaté que, selon les régions, la formation est plus difficile que d’autres. Plusieurs raisons, facteurs et situations sont observés, qui vont du drame familial, par exemple la mort du propriétaire qui force le jeune fils à prendre la relève rapidement, à la distance de la ferme par rapport aux institutions formatrices.
Dans ces contextes, la reconnaissance des acquis s’avère très pertinente. Le laboratoire vise à identifier les freins à la formation, à repérer les régions qui auraient besoin d’aide à cet égard et à offrir des pistes de solution.
GTA : N’est-ce pas surprenant qu’en 2025, alors que la plupart des fermes sont connectées à Internet et que les agriculteurs possèdent un téléphone intelligent, l’offre de formations pour la relève ne passe pas davantage par le tout numérique, sachant que certaines personnes doivent parfois rouler deux ou trois heures pour venir suivre une formation ou passer un examen?
D.B. : Oui, ça pourrait certainement constituer une option dans certains cas. Mais, les formations agricoles comportent beaucoup d’aspects techniques concrets, ce qui empêche probablement la prestation de formations en 100 % numérique.
D’un autre côté, les jeunes agriculteurs doivent obtenir la bonne information au sujet des formations. Ce n’est pas parce que l’institution offrant la formation est basée à Québec qu’ils doivent s’y rendre pour la suivre.
La cohorte est complète, je crois, et les données seront donc collectées au cours des prochains 12 à 18 mois. Les résultats du Laboratoire suivront. Il sera alors possible d’agir en fonction des informations disponibles.
Succès et partenariats
GTA : La FRAQ et le Centre de formation spécialisé pour les entrepreneurs agricoles (CEMR) ont récemment entamé un partenariat. Des détails à ce sujet?
D.B. : Oui, c’est tout nouveau. Avec sa programmation, le CEMR vise toujours à accompagner les entrepreneurs agricoles vers la réussite de leur projet. Le monde agricole est de plus en plus complexe, et gérer une entreprise agricole exige des compétences approfondies en gestion et en entrepreneuriat.
Le CEMR considère les producteurs agricoles en tant qu’entrepreneurs à part entière. Ledit partenariat tient dans l’offre d’un rabais de 500 $ pour les membres de la FRAQ pour certaines cohortes. À ce jour, l’ensemble des participants aux formations en entrepreneuriat a confirmé l’acquisition de connaissances importantes pour bien gérer leur entreprise.
GTA : Cette entente est-elle la première d’autres qui visent d’autres établissements?
D.B. : C’est une possibilité. La FRAQ bénéficie de nombreux partenariats avec plusieurs maillons de la chaîne, dont des fournisseurs d’équipements qui offrent des rabais à la relève. La FRAQ est ouverte à toute entité qui vise à accompagner ses membres vers le succès.
GTA : Le succès, justement. Quels sont les derniers chiffres portant sur le succès des repreneurs?
D.B. : Selon les données datant de 2021, pour ce qui est de la relève de 5 à 9 ans, on parle de 53 % qui sont en situation de transfert familial, de 12 % en démarrage et de 36 % en transfert non apparenté. Si la proportion de la relève établie par démarrage d’une entreprise depuis 5 ans ou plus s’élevait à 66 % en 2016, elle se chiffrait à 57 % en 2021.
En ce qui concerne les jeunes de la relève établie par transfert non apparenté, 57 % étaient en activité depuis plus de 5 ans en 2021, un résultat légèrement supérieur à celui de 2016 (55 %). En 2021, 75 % de la relève établie par transfert familial était en activité depuis plus de 5 ans, un résultat sensiblement inférieur à celui de 2016 (79 %), mais toujours très élevé.